Chantier villes et territoires durables
L’éducation à l’environnement et au développement durable face aux enjeux de société : éduquer aux villes et territoires durables.
Table ronde introductive 6 mars 2013. Béatrice Auxent, architecte urbaniste CAUE 59
Présidente de VivaCitéS Nord Pas de Calais, réseau régional pour l’éducation à l’environnement urbain.
- Villes et territoires durables ?
Ces termes posent la question des limites de la ville, au sens propre et au sens figuré : limites physiques, mentales, écologiques. Depuis le moyen-âge, les rapports entre ville et campagne se sont complexifiés dans l’espace et dans les esprits. Les périodes classiques, industrielles, hygiénistes, modernes ont fait leur œuvre et leur désordre aussi. Notre période contemporaine, héritière de tout ce palimpseste urbain, commence sans doute en 1987, date du Rapport Brundtland, intitulé « Notre avenir à tous (Our Common Future) ». Le rapport ville-campagne s’est diversifié et de nouveaux termes sont apparus pour faire exister dans nos esprits ces nouvelles donnes géographiques, économiques, urbanistiques, écologiques. C’est une profusion de termes qui ont émergé correspondant sans doute à la déclinaison de ce que l’on attendrait de « Villes et territoires durables » : intense, fertile, résiliente, en transition…
- Eduquer aux villes et territoires durables : un défi à relever.
Eduquer à la ville durable est un défi difficile car tout bouge… Alors on invente !
1 –Quelques grands moments de l’EEU comme repère.
Citéphile, réseau national d’acteurs pour l’éducation à l’environnement urbain, dans ses prémices en 1991 (peu de temps avant Rio) énonçait quelques grands principes et valeurs de l’éducation à l’environnement urbain. C’est l’idée neuve
- qu’il faut s’intéresser positivement à l’EU. 80% de la population habite en ville. L’environnement urbain devient un contexte pour l’action,
- que l’environnement urbain n’est pas une offense à l’environnement mais un environnement en soi,
- que le croisement des regards (du social, de l’environnement, de la culture) permet l’approche globale et le passage de l’individu au citoyen,
- que la question de la complémentarité de la démarche participative et de la démarche éducative est partie intégrante de l’EEU.
Le réseau national Citéphile a fait des petits : les réseaux VivaCitéS en Nord Pas de Calais et Ile de France se constituent en association en 1998 et 2000. Citéphile se crée en association en 2000 lors des premières rencontres de l’EEDD à Lille pour redevenir en 2009 un réseau informel. Les deux associations régionales VivaCités perdurent et s’amplifient… Chacune à leur manière.
2 – Environnement urbain et éducation au développement durable : des pistes pédagogiques.
A – S’ancrer dans un territoire et avoir conscience du « jeu des acteurs ». Les mots et les concepts commencent à changer la donne dans les territoires. La décentralisation a comme conséquence que chaque échelon a ses outils de référence qui devraient être en cohérence avec tous les autres niveaux.
L’Etat et la loi SRU, le grenelle de l’environnement et leurs déclinaisons territorialisées : Plans climats territoriaux,…
Les régions avec les Schémas Régionaux : SRADT, SRCAE, SRCE…
Les départements et les Contrats de Territoires…
Les communautés de communes ou d’agglomérations et les outils de planification : PADD, SCoT, PLU Intercommunaux…
Les communes et les outils pour l’aménagement règlementaire et opérationnel : PLU, ZAC, ecoquartiers…
Pour chaque échelon une gouvernance spécifique : concertation, expérimentation, décision.
Pour tous les échelons, la possibilité d’agendas 21 territoriaux.
Cela crée de la confusion et de la complexité (en plus des mille-feuilles que cela crée, les intitulés peuvent changer d’un territoire à l’autre en France pour un même échelon, les sigles sont monnaie courante) mais aussi de la responsabilisation à tous les niveaux.
Les mots et les concepts qui ont commencé à changer la donne dans l’éducation nationale : les parcours transversaux EDD et HdA, les Agendas 21 scolaires et autres dispositifs similaires, l’architecture scolaire HQE depuis la décentralisation.
Les outils qui commencent à changer la donne pour tous : SIG, Plateformes web, mise en réseau….
L’éducation à l’environnement et au développement durable a évolué, passant d’interventions relevant de la prise de conscience, vers des actions reliées au territoire, puis vers des changements de comportements et des initiatives. Insérer l’éducation au cœur des processus de gouvernance et d’initiative citoyenne est essentiel.
B – Faire du culturel un socle pour l’EEDD.
La ville, l’architecture sont des expressions de la culture. La ville exprime les enjeux sociétaux. Création de l’homme, elle va aider à donner un socle culturel à l’Education à l’Environnement au Développement Durable. De nombreuses interventions allient ludique et artistique. Toutes ces approches conduisent à ré-enchanter la ville, à aimer la ville, douce et agréable à vivre, à sentir et à goûter la ville…. On pourrait parler d’éducation à l’urbanité, où toutes les facettes de l’humanité puissent s’exprimer.
C – Des villes et des lieux pour l’éducation à la ville.
Ville pédagogique et pédagogie de la ville, dans et hors les murs, des outils voient le jour. Dans plusieurs villes du monde des expériences existent : Breda, Londres, Totness, Ruhr, Shanghai… Un objet nouveau pour des enjeux nouveaux est en préfiguration : Babel – Centre euro métropolitain en réseau pour l’éducation à l’environnement urbain est une initiative de VivaCitéS Nord Pas de calais.
Conclusion et perspectives
Nous ne serions donc plus sur les questionnements d’antan. Education à l’environnement et éducation à l’environnement urbain : mouvements dissociés ? Qui contient l’autre ? Quelle est la plage commune (l’éducation à l’environnement en milieu urbain) ? L’éducation à l’environnement depuis quelques années tente de ne pas tomber dans la seule éducation aux économies d’énergie et au traitement des déchets. Les naturalistes n’y trouvent plus tout-à-fait leur place (cf. 2èmes Assises de l’EEDD de Caen 2009). L’éducation à l’environnement urbain a toujours une difficulté à se structurer nationalement et internationalement, un ancrage dit territorial cache un « repli sur soi ». Par ailleurs l’évolution dans l’éducation nationale est notoire : passage de l’éducation à l’environnement vers un développement durable à l’éducation au développement durable avec pour enjeu de passer de l’approche éducative fractionnée à l’approche globale, de faire du territoire un socle pour l’EDD, associer le culturel. Tout pourrait-il être remis à plat dans l’éducation à la ville et au territoire durable ?
Oui si l’EEDD s’inscrit dans les enjeux de société :
- la ville-lieu de vie de la grande majorité des terriens,
- l’espace urbain, l’espace public, comme support de sociabilité, d’urbanité,
- le projet urbain en amont de la ville durable : du projet de vie aux formes urbaines, la contextualisation des projets (l’anti modèle unique),
- la ville-territoire, complémentarité urbain/rural aux bonnes échelles.
- la ville désirable et abordable : les écoquartiers, la rénovation urbaine, des habitats alternatifs plus participatif, une ville-nature contemporaine, des mobilités multimodales…
Qu’est-ce que l’EEDD pourrait apporter comme réponses à toutes ces attentes en 2013 et au-delà ? Les métiers à créer : des modérateurs urbains ? Des formations à développer : gestion urbaine, Instituts urbains ? Des lieux à trouver : Babel ? Des outils à trouver : des kits habitants responsables ?…
Deux échéances internationales sont à regarder de près : Les suites de RIO+20 : dans 2 ans les ODD (Objectifs pour le Développement Durable) seront définis. Quelle sera la place pour les villes durables, éducation, les sciences, la culture ? Le 7èmes WEEC 2013 en juin prochain : deux communications ont été acceptées liés à notre chantier d’aujourd’hui. « Aménagement du territoire et débat démocratique » et « La ville : une solution plutôt qu’un problème ? ». Un signe évident.
Nous sommes tous concernés.